0:00
[MUSIQUE]
Voilà, j'aimerais arriver maintenant à un autre thème.
Une fois que les document précontractuels ont été rédigés,
une partie en principe conclut le contrat,
et nous allons voir ensemble bien sûr comment elle conclut ce contrat,
et quelles sont les différentes étapes de ce contrat en termes de rédaction.
Mais peut-être avant d'arriver à ce contrat lui-même,
il est utile de réaliser que le contrat n'est pas un objet isolé
du reste du monde et du reste des structures contractuelles envisageables.
C'est important de le dire parce que ça ne correspond pas à la théorie juridique
classique.
La théorie juridique classique C'est que chaque contrat est un document à part,
isolé du reste du monde.
C'est ce qu'on appelle le principe de la relativité des contrats.
Un contrat n'a aucun lien avec un autre contrat
si ce ne sont pas les mêmes parties à ces deux contrats.
1:02
Et donc, ce principe de la relativité des contrats,
qui est un principe important selon lequel personne ne peut se baser sur un contrat,
ou faire valoir des droits basés sur ce contrat s'il n'est pas
partie à ce contrat, ce principe-là de la relativité des contrats ne correspond pas
toujours à la réalité pratique, à la réalité économique des choses.
Parce que la réalité économique des choses,
c'est que souvent les contrats sont interconnectés.
Et souvent, de nombreux contrats participent à une opération
qui est une opération globale.
Et donc, avant de rentrer dans le contrat lui-même, intéressons-nous à la façon dont
les contrats peuvent être interconnectés, et aux conséquences juridiques
que ces connexions entre les divers contrats peuvent appliquer, on
s'intéresse à ces questions des contrats complexes, et des complexes de contrats.
Dans le fond, il y a comme je viens de le dire, deux situations.
Vous avez des situations où vous avez un accord,
mais un accord constitué de plusieurs contrats.
1:59
Et puis vous avez des situations où vous avez des contrats qui s'enchaînent.
Alors ce que j'aimerais, si vous le permettez, c'est d'abord m'intéresser à la
première situation, un accord global, mais concrétisé par plusieurs contrats.
C'est ce qu'on appelle des contrats complexes.
Et puis ensuite, on s'intéressera à des chaînes de contrat,
ou autrement dit à des complexes de contrats.
2:44
Et puis, celui qui livre cette machine
s'engage aussi à assurer la maintenance de cette machine.
Ça arrive assez souvent, les machines sont de plus en plus sophistiquées,
et il est parfois nécessaire que celui la vend en assure aussi la maintenance.
Bon alors vous avez un contrat de vente, mais vous avez aussi un accord lié,
mais un accord d'un autre type, qui est un accord de maintenance, qui relève plus des
règles sur le mandat et en tout cas sur les contrats de services.
3:14
En soit, il y a deux contrats différents.
D'un point de vue juridique il y a un contrat de vente,
livraison d'une marchandise moyennant le paiement d'un prix.
Et puis il y a un contrat de maintenance qu'on pourrait encore une fois plutôt
qualifier de contrat de service.
Dans l'esprit des parties, il n'y a qu'un seul accord, un accord comprenant la
livraison d'une marchandise et la maintenance de cette machine.
Est-ce que c'est intéressant de se poser la question de savoir s'il y a un
seul contrat ou deux contrats?
Franchement ça paraît très théorique comme approche.
Parce que peu importe,
il y a un accord, et qu'il y ait deux documents ou un seul document,
c'est juste une formalisation matérielle de cet accord, mais il y a un accord.
Donc en réalité, cette question-là,
est-ce qu'il y a un seul contrat ou est-ce qu'il y a deux contrats, paraît une
question extrêmement théorique qui ne peut agiter que des professions d'université.
Mais en réalité, cette question-là a plus de conséquences qu'on pourrait ne penser.
Par exemple, mais ce ne sont que quelques exemples.
Imaginez qu'il y ait une élection de droit dans ce contrat.
[AUDIO_VIDE] Dans le contrat de vente,
A et B ont prévu que le droit suisse était applicable.
Est-ce que cette élection de droit vaut aussi pour le contrat de maintenance?
Alors cela pourrait aller de soi.
D'accord, ça va de soi.
Mais le jour où il y a un litige,
celui qui doit opérer la maintenance dit ben non, pas du tout,
moi j'avais compris que c'était selon le droit allemand qui m'est plus favorable.
Parce que je suis une société allemande donc tous les services que je rends sont
rendus selon le droit allemand.
Donc, je n'ai même pas pensé que ça pouvait être sous le droit suisse,
On s'était mis d'accord sur le droit suisse pour la vente de la machine,
mais pas du tout pour la maintenance.
Pour la maintenance, on n'a rien décidé, par conséquent il faut
déterminer le droit applicable selon les règles de rattachement objectif
et ça tombe bien c'est le droit allemand qui est applicable.
Et donc, imaginez que un des deux contrats soit résilié,
est-ce que ça importe nécessairement la résiliation de notre contrat.
5:17
En même temps, on se rend bien compte que ça n'a pas de sens de
maintenir le contrat de maintenance si la machine n'est pas livrée.
Donc, il y a une question ici qui suppose qui n'est pas si simple,
parce que les parties n'ont pas forcément le même point de vue sur le lien
entre ces deux contrats, et la résiliation respective de ces deux contrats.
5:35
Et puis, dernière question, toujours dans ces exemples, de liens potentiels
entre ces deux contrats, si l'on considère qu'il y a deux contrats,
est-ce que vous pouvez refuser d'exécuter le contrat de maintenance parce que
vous êtes pas satisfaits de la façon dont le contrat de vente a été exécutée?
L'acheteur considère que la machine est défectueuse.
Est-ce qu'il peut refuser de payer la maintenance?
Le vendeur considère que ça ne va pas parce que le prix n'a pas été payé.
Est-ce qu'il peut refuser d'exécuter la maintenance?
En droit suisse, c'est ce qu'on appelle l'exception d'exécution,
6:09
l'exeption non adimpleti contractus, c'est-à-dire le fait que dans un contrat,
si une prestation n'est pas exécutée, la contre prestation n'a pas à l'être.
C'est l'article 82 du code des obligations.
Alors, ici par exemple, si le prix de la machine n'a pas été payé,
est-ce que le vendeur peut refuser la maintenance?
Oui si c'est un seul accord, non si ce sont deux contrats distincts.
6:32
La question qui se pose,
c'est que dit la jurisprudence par rapport à ces situations-là.
Elle ne dit pas grand-chose à vrai dire.
Vous avez plusieurs arrêts, soit des arrêts cantonaux,
soit des arrêts du tribunal fédéral en Suisse, où on vous dit qu'il faut
considérer qu'il n'y a qu'un contrat s'il s'agit d'un accord formant un tout.
6:58
Bon, pour vous dire franchement, ça nous amène pas très loin dans le fond comme
jurisprudence, parce qu'une fois qu'on a dit ça, la question c'est est-ce que c'est
indissociable, est-ce que ça formait un tout?
Et on est à peu près revenu au point de départ.
7:10
Pourquoi est-ce que les tribunaux ne peuvent pas fixer un critère clair pour
savoir s'il y a un seul contrat global ou s'il y a deux contrats distincts?
Et bien tout simplement parce que cela dépend de la volonté des parties.
On revient à cette idée fondamentale que le contrat n'est rien d'autre
que la volonté des parties.
Y compris sur cette question de savoir s'il y a en fait deux contrats
distincts pouvant le cas échéant être exécutés indépendamment l'un et l'autre,
ou si au contraire il y a un seul contrat, un seul accord global, chaque prestation
selon cet accord global étant la cause de la prestation de la partie adverse.
7:48
Alors, puisque c'est la volonté des parties qui l'emporte,
il faut que cette volonté soit exprimée clairement.
Et c'est très simple à faire, encore une fois et comme toujours.
Il suffit d'une clause de quelques mots pour dire les choses clairement.
Une clause qu'on peut utiliser par exemple
c'est celle qui s'affiche maintenant devant vous.
Ce contrat de service est un contrat indépendant du contrat cadre
conclu entre les parties en date de, vous mettez la date,
et aucun de ces deux contrats n'est la cause ou la condition de l'autre.
Et puis, pour être encore plus précis,
les parties rajoutent ce qu'il en est de la résiliation.
La résiliation du contrat cadre conclu entre les parties à telle date
impliquera cependant ipso jure la résiliation du présent contrat.
Là on voit une expression de la volonté des parties qui est subtile,
parce que en même temps elles décident de dissocier totalement les deux contrats,
notamment pour éviter qu'un problème avec un des contrats
n'affecte l'exécution de l'autre contrat, mais en même temps,
elles prévoient que si un des contrats est résilié, l'autre doit l'être.
Donc c'est une sorte de voie du milieu que les parties ont ainsi choisi par cette
clause en ce qui concerne la question de savoir s'il y a un seul
ou s'il y a deux contrats qui ont été conclus.
Est-ce que c'est possible?
Bien sûr que c'est possible.
C'est la liberté contractuelle.
Encore une fois la réponse sera presque toujours la même pour ce cours.
On peut faire ce qu'on veut.
Et on peut faire notamment un lien ténu entre ces deux
contrats à travers la question de la résiliation
tout en maintenant l'existence de deux contrats distincts.
C'est quelque chose qui est tout à fait possible.
On peut faire autre chose.
On peut prévoir qu'il ne s'agit que d'un seul accord.
On peut prévoir au contraire qu'il s'agit de deux accords totalement distincts.
9:26
C'est donc, ça relève donc de la liberté contractuelle que de
prévoir ce qu'il en est du lien entre ces contrats.
Maintenant, tout de même, il faut faire attention à ce qu'on fait.
La liberté est quasiment illimitée,
mais il y a un moment où le juge considère que cela devient un abus de droit
que d'exercer sa liberté de façon aussi catégorique.
Imaginez par exemple la situation suivante.
Les parties ont mis cette clause dans le contrat.
Donc en principe c'est deux contrats distincts,
l'un n'étant pas la condition de l'autre.
Le vendeur A livre la machine.
10:08
Ensuite, B demande à A, venez faire la maintenance.
Évidemment, A dit écoutez, vous n'avez pas payé le prix, moi je ne vais pas venir
faire la maintenance d'une machine alors que vous n'avez pas payé le prix.
Et là, B dit oui mais bon nous avons mis dans le contrat que
c'était deux contrats distincts.
Nous avons la clause, c'est clair.
Est-ce que le juge ira jusqu'à admettre cet argument?
C'est discutable.
D'autant plus que B pourrait dire,
mais écoutez vous n'exécutez donc pas la maintenance.
Et A répond mais bien sur que j'exécute pas la maintenance,
vous avez pas payé le prix.
Bon et bien si vous n'exécutez pas la maintenance, moi je vais vous demander des
dommages et intérêts pour cause d'inexécution du contrat de maintenance.
Et je compense mon droit à des dommages et intérêts avec le paiement du
prix que je vous dois.
Et du coup, j'aurais la machine gratuitement si vous suivez l'opération.
Et donc évidemment c'est contraire aux règles de la bonne foi et
je pense qu'un juge considérerait que c'est un abus de droit.
Mais en même temps, les parties ont accepté ce principe selon lequel il
s'agit de deux contrats dissociés, et peut-être c'était une erreur de la part de
A dans mon exemple d'accepter cette clause.
Donc cette clause, elle est rassurante, on dit bon d'accord ce sont deux contrats
dissociés, sauf pour ce qui est de la résiliation.
Donc cette clause, elle est rassurante pour les parties.
Ça paraît plus clair.
Mais en même temps il faut bien être conscient des conséquences
de cette dissociation des deux contrats.
11:16
Voilà la situation avec des contrats dits complexes.
Alors on pourrait ensuite multiplier les exemples, parce qu'évidemment suivant les
types de contrats, les problématiques sont différentes.
Mais ce qui est important, c'est de comprendre cette difficulté, de distinguer
entre un seul accord global et puis une série de contrats entre les mêmes parties.
[AUDIO_VIDE]