Name: Vidéo: Approches qualitatives de la ville
Uploaded: 2016-03-31T05:34:58.975Z
Duration: 9 min 17 s

Bienvenue dans cette leçon du cours économie du sol et de l'immobilier

consacrée aux approches qualitatives de la ville.

Dans la leçon précédente, nous avons souligné les théories et mécanismes

sur lesquels les modèles quantitatifs s'appuient et nous avons constaté qu'ils

s'inscrivent surtout dans les modèles normatifs de la ville cosmique ou machine.

Du point de vue de notre modèle circulatoire de stock et de flux,

les modèles quantitatifs tiennent compte du rapport explicite

entre les enclaves et les armatures selon une loi ou plusieurs lois universelles.

Les déviations et les hétérotopies restent implicites ou demeurent absentes.

A partir des années 60, des recherches mettent en question cette approche

purement quantitative en soulignant les dimensions qualitatives de la ville.

Plusieurs ouvrages représentent la nature de la revendication du côté

qualitatif de la ville.

Social justice and the city du géographe David Harvey

expose les injustices dans la circulation et l'accumulation de la richesse

et la concentration de pouvoir dans les systèmes capitalistes.

The informational city du sociologue Manuel Castells

a montré comment les technologies de l'information nous permettent de

comprendre la ville à travers les réseaux de communication.

The image of the city publié par Kevin Lynch dans les années 60

a cherché à lire la ville par les cartes mentales ou les représentations

subjectives que les citoyens faisaient de leur ville ou de leur quartier.

Le livre de Michael J.

Dear, The postmodern urban condition, souligne la dimension aléatoire

et fragmentaire de la croissance de la ville et l'insuffisance des modèles comme

celui de Chicago à tenir compte de l'hétérogénéité du contexte social,

économique, politique et géographique dans lequel une ville se développe.

De manière générale, les réflexions qualitatives sur la ville remettent en

question toute tentative de traiter et de comprendre la ville d'en haut,

du point archimédien comme une totalité unie et un système fermé.

Elles rejettent la position prise par les modèles quantitatifs

que la ville un jour n'aurait plus aucun mystère face aux outils de la science.

Si on imaginait la ville comme une série de boîtes renfermées les

unes dans les autres, les théories quantitatives

tenteraient en général d'ouvrir toutes les boîtes pour connaître le contenu.

Les théories qualitatives quant à elles revendiquent plutôt l'impossibilité de

connaître de manière exhaustive ou de maîtriser le contenu

à l'intérieur des boîtes.

Il y aura toujours une autre boîte et toujours de l'ombre sur lequel on ne

mettra pas de lumière.

De plus, l'approche des modèles qualitatifs ne promeut pas une seule

méthode ou promeut des méthodes proches à chaque discipline.

Mais elle s'intéresse surtout aux structures profondes de la ville.

S'il existe une boîte dans laquelle la ville garde ses secrets, les modèles sont

rarement d'accord sur la manière de construire la clé pour l'ouvrir.

En présentant son modèle du quasi-objet que nous avons repris cette semaine pour

lire les modèles des villes, Michel Serres maintient qu'il faut suivre ce qui bouge

pour comprendre ce qui est stable.

Les modèles quantitatifs de la ville et les mécanismes

économiques sur lesquels ils s'appuient partent surtout de la ville stable

issue de mouvements prévisibles et réguliers.

Nous avons vu que la circulation de personnes ou de biens est modélisée de

manière normative et que la circulation déviante,

parasitaire ou hétérotopique ne sont pas prises en compte.

Les approches qualitatives quant à elles cherchent les déviations afin de révéler

les injustices, les segments marginalisés de la société

ou les pratiques émergentes qui ne sont pas ou ne sont pas encore majoritaires.

Mais elles ont tendance à produire d'autres stabilités telles

que les institutions, les classes sociales,

les infrastructures et risquent de les tenir pour nécessaires ou fondamentales.

Ce constat sert de point de départ pour considérer la ville

comme un entrelacement de réseaux ou d'assemblages d'acteurs hétérogènes.

C'est les relations qui comptent.

On suit l'action plutôt que de contempler inerte.

Les stabilités émergent de ces actions sans coordination entre les acteurs et

sans idée préconçue du résultat.

En ce qui concerne spécifiquement la ville, Juval Portugali identifie trois

figures qui se sont penchées sur les mécanismes d'émergence de ces stabilités.

L'urbaniste Jane Jacobs, le géographe Torsten Hägerstrand

et l'architecte et informaticien Christopher Alexander.

Jane Jacobs dans son livre célèbre, déclin et survie des grandes villes américaines,

apparu en anglais en 1961 dénonce la culture de planification de son époque

qui travaillait à son avis à l'encontre des rythmes de la vie quotidienne.

Elle observait que l'ordre dans la ville émerge d'interactions à l'échelle locale,

que malgré son apparence chaotique, soutenait une sorte de ballet urbain

caractérisé par le hasard et la réflexivité des actions de chaque acteur.

Le travail du géographe suédois Torsten Hägerstrand était en réaction à la

tendance de sa discipline au milieu du XXe siècle a n'abolir la ville

que par de grands échantillons statistiques.

Avec son concept de la géographie temporelle,

il a introduit le temps dans les modèles de la ville et a proposé de comprendre sa

structure profonde par le mouvement routinier et résidents et visiteurs.

Si Jacobs fournit une description du ballet urbain,

Hägerstrand propose un cadre conceptuel pour l'étudier.

Ce cadre par ailleurs sert encore de point de départ

pour des recherches sociologiques et géographiques sur la mobilité quotidienne.

Mathématicien de formation, Christopher Alexander est surtout connu en

architecture et en urbanisme pour son article, A city is not a tree,

paru en 1964 et son livre, A pattern language, publié en 1977.

Dans ce premier, Alexander teste la structure non arborescente de la ville.

Contrairement aux tendances modernistes d'organiser la ville de manière

monofonctionnelle et hiérarchique,

Alexander observait que la ville ressemble plutôt à une matrice ou un réseau.

Une telle organisation réticulaire assure la capacité du réseau à

s'adapter à des changements.

C'est une capacité qui selon Alexander manque aux villes et quartiers

d'après-guerre.

Dans A pattern language,

Alexander et ses collaborateurs cherchent à identifier les formes qui semblent être

invariantes à l'organisation semi chaotique, semi matricielle de la ville.

A travers la recherche de pattern,

traduit parfois comme outil spatio-temporel, Alexander tente de saisir

les éléments de base qui produisent une harmonie dans l'environnement bâti.

Son oeuvre plus récente, The nature of order,

sortie en quatre volumes au début des années 2000, s'interroge sur les processus

en amont des patterns qui génèrent les stabilités harmonieuses.

Alexander observe que les processus de genèse,

que ce soit une formation géologique ou un embryon, suit des étapes de génération

semblables, malgré des degrés de complexités différentes.

Cela suggère d'après Alexander que ce qui maintient la ville

n'est pas seulement culturel ou seulement naturel.

Les modèles de ville doivent tenir compte de leur imbrication.

Reprenons notre modèle de circulation pour regarder un exemple tiré du travail de

Jane Jacobs.

Dans le déclin et survie des grandes villes américaines,

Jane Jacobs décrit le ballet de la rue comme une série d'interactions locales.

Regardons cette dynamique.

La rue en temps qu'armature constitue un lien de communication entre une origine

et une destination.

Nous avons déjà vu que les modèles quantitatifs de la ville

tentent d'imaginer la rue comme seulement un lieu de passage.

Le modèle normatif de la ville machine rationalise les armatures selon chaque

mode de transport.

En réalité ou du moins selon les observations de Jacobs, des activités qui

longent la rue tendent à attirer et arrêter le mouvement des passants.

On peut imaginer ceci dans notre modèle comme une déviation ou une bifurcation.

Bien sûr, l'arrêt quand c'est une rue adjacente peut devenir une

destination intermédiaire en soi et le déplacement des personnes se reconfigure.

Cette dynamique se multiplie le long de la rue

et contribue à l'organisation du ballet urbain.

Si Hägerstrand suivait les mouvements des individus pour comprendre

l'organisation dans l'espace et dans le temps de manière générale,

Alexander les suivait pour identifier les stabilités spatiales

qui contribuaient au maintien du ballet urbain.

On peut imaginer que chaque arrêt est en fait un pattern à des échelles

différentes.

D'un petit parc avec des bancs donnant dans la rue à une série de marches devant

les entrées des bâtiments, sur lesquelles les gens peuvent s'asseoir,

Jacobs maintenait que ce ballait ne se reproduisait jamais de la même manière.

En effet, si chaque arrêt constitue une sorte d'enclave qui pourrait

à l'intérieur changer le mode de circulation des gens, on voit comment

toute tentative de décortiquer le ballet urbain pourrait se poursuivre à l'infini.

Compte tenu de ce degré de complexité,

peut-on vraiment espérer développer un modèle de la ville?

Cette leçon a présenté de manière générale l'approche qualitative de la ville.

Nous avons mis l'accent sur sa critique des modèles quantitatifs

qui tente à concevoir la ville comme un système fermé.

L'approche qualitative dans la modélisation de la ville se

penche sur l'hétérogénéité.

Cependant, elle tend de tenir pour acquis des entités comme des institutions ou les

classes sociales.

Nous avons regardé le travail de trois chercheurs clés qui ses situent entre les

approches quantitatives et qualitatives et tendent de saisir la ville

dans sa complexité riche et ses dynamiques évolutives.

Enfin, nous nous demandons si on peut même espérer de modéliser la ville

et comment le faire.

Dans la prochaine et dernière leçon, nous allons tenter de répondre à cette question

en regardant le modèle de la ville complexe.

Quand on considère le modèle circulatoire emprunté à Michel Serres sur la théorie de

Vidéo: Approches qualitatives de la ville

Economie du sol et de l'immobilier II

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