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Alors, quand on considère l'histoire humaine,
telle qu'elle a commencé peut-être il y a 6 000 ans, ou 5 000 ans,
avec la naissance des empires, des cités,
les guerres, les esclavages, les arts, tout ceci,
on est frappé quand même d'avoir des choses apparemment différentes,
je veux dire il y a le côté shakespearien de l'histoire humaine,
et il y a le côté que je pourrais dire marxiste de l'histoire humaine.
Le côté shakespearien, c'est quoi?
C'est Shakespeare, c'est le conflit des ambitions, c'est ce qu'il appelait le,
il disait le, l'histoire est une histoire,
est un récit raconté par un idiot plein de bruit et de fureur qui ne
signifie rien du tout, il y a une absurdité dans l'histoire.
Et en même temps il y a des logiques, des logiques économiques,
des logiques sociales, des déterminismes, c'est pour ça le caractère disons marxiste
de l'histoire humaine c'est que l'histoire se produise selon quand même,
il y a ce mélange de folie, d'erreurs, de hasards, de destructions,
et ce mélange de productions, de créations et d'accumulations.
Alors, quand nous réfléchissons à ça, et que nous réfléchissons aussi
que nous sommes des êtres vivants héritiers d'une évolution biologique,
elle-même cette évolution biologique héritière d'une histoire cosmique,
alors je crois qu'il faut nous replacer dans un très grand récit.
Pourquoi je dis très grand récit?
Parce qu'il y a 30 ou 40 années,
le philosophe Liautard disait, il n'y a plus de grand récit.
Il voulait dire par là que le récit où l'humanité commençait à partir
d'une société, enfin le récit marxiste d'une société qui partait d'un
communisme primitif qui se développait à travers la lutte des classes,
continuait avec la formation du prolétariat et allait aboutir à une
révolution, ce grand récit évidemment n'est pas tenable.
On croyait qu'on ne pouvait plus penser.
Alors qu'aujourd'hui, nous savons, nous avons appris,
qu'il y a un très grand récit.
Parce que ce très grand récit, c'est pas seulement comme je vous l'ai dit,
une aventure de la vie qui commence d'êtres unicellulaires,
qui sont isolés bien qu'ils communiquent, et à partir desquels vont
naître les policellulaires des plantes et les animaux,
et tout ce développement singulier, et des plantes avec les fleurs,
les petites herbes et les arbres gigantesques des séquoias,
et du monde animal.
Mais dans cette évolution,
nous voyons apparaître des catastrophes et des cataclysmes.
Il y a eu un cataclysme à la fin du primaire,
à l'ère du iii qui a vu la disparition dit-on de 80
% des espèces vivantes et que la vie a pris un nouveau démarrage.
Il y a eu 65 millions d'années, il y a eu l'extinction des dinosaures qui semble
elle-même être la conséquence soit de l'arrivée d'un météorite sur Terre,
lequel a créé une atmosphère asphyxiante pendant longtemps qui
a empêché la végétation de survivre, et qui a fait que les pauvres dinosaures
qui étaient des gros végétariens n'ont pas pu continuer, soit même d'une violente
irruption volcanique qui elle-même a provoqué les mêmes phénomènes.
Donc, et cette extinction des dinosaures aurait provoqué la possibilité de
développement des tout petits mammifères, qui du coup ont pu avoir
des repas quasi-gratuits et succulents avec la chair des dinosaures morts,
et ces petits mammifères, dans le fond, ce sont nos ancêtres.
Bref, c'est une histoire extraordinairement heurtée, pleine de
bruit et de fureur aussi, et qui a les mêmes caractères que l'histoire humaine.
La grande différence, c'est que,
cette histoire biologique se fait à travers des transformations,
des mutations d'espèces, l'apparition des ailes, l'apparition du foie,
l'apparition du cerveau, enfin toute une série de création dans les organismes,
alors que l'histoire humaine elle s'arrête pratiquement du point de vue biologique.
Bien sûr nous perdons nos poils, bien sûr nos dents de sagesse ont disparu,
mais enfin, nous évoluons très peu biologiquement,
mais l'évolution est culturelle.
Les ailes, elles ont pas poussé, mais on a fait des avions.
Les pattes n'ont pas accéléré, mais on a créé les roues des voitures.
Bref, si vous voulez, tout ce qui nous manquait, notre technique a pu l'inventer.
Pas de façon aussi raffinée.
Et encore il y a une chose que nous n'avons pas inventée mais que les plantes
ont inventé il y a très longtemps, c'est l'utilisation de l'énergie du soleil
pour avoir leurs propres capacités de vivre et de se reproduire.
Et nous nous commençons avec des centrales solaires, avec des piles solaires,
mais c'est pour vous dire qu'il y a une différence entre évidemment l'humain
et le biologique, mais les caractères de l'histoire qui étaient un mélange d'ordre,
et de désordre, et de création,
d'organisation et de destruction, c'est pareil.
Et si vous prenez aujourd'hui l'histoire de l'univers, vous vous rendrez compte que
c'est le même jeu entre l'ordre, le désordre et l'organisation.
Pourquoi?
D'après des théories existantes aujourd'hui, qui peuvent évidemment être
modifiées, d'après ces théories-là, vous avez le fait que dès
l'apparition de la matière, vous avez les particules de matière qui vont faire
le génocide des particules d'anti-matière, qui vont pratiquement disparaître.
Mais vous avez aussi les particules, lesquelles se heurtent et
s'entre-détruisent, et les autres qui s'associent, elles vont former les noyaux,
elles vont former les atomes, et les électrons vont être autour des atomes,
donc les atomes vont se former par rencontre et comme je vous l'ai dit,
c'est au cours d'un soleil antérieur au nôtre que trois noyaux d'hélium,
se rencontrant en même temps, donnent un atome de carbone.
Et les atomes eux-mêmes en se rencontrant vont créer des molécules,
des macro-molécules, et c'est à partir de ces macro-molécules que va naître la vie.
Et puis, l'histoire de l'univers, commence comme une catastrophe.
Ce qu'on appelle le Big Bang, une sorte de rayonnement intense,
phénomène une sorte de déflagration.
Mais il faut voir que, dans cet univers où tout semble se disperser mais
s’entrechoquer, vont apparaître les étoiles, par milliards.
Et qu'est-ce que c'est qu'une étoile?
Une étoile c'est un être qui se forme par une concentration de poussière
cosmique sous l'effet de ce qu'on appelle la gravitation.
L'étoile va se concentrer jusqu'à une température
d'allumage et l'étoile va être entre la tendance à implosion
de la gravitation et la tendance à explosion du feu.
Et ça pourra vivre pendant des milliards d'années, mais les étoiles vont mourir,
elles vont expirer.
Donc la mort, ce phénomène de la vie,
il est aussi dans la nature et peut-être iii mourra.
Donc si vous voulez, l'aventure humaine se situe dans une très
grande aventure cosmique, qui a son rameau particulier dans l'aventure biologique,
on ne sait pas s'il y a d'autres aventures dans un tout autre univers,
mais nous savons que nous sommes nous partis de ce dernier rameau,
qui est le rameau de l'hominisation.
Edgar MorinProfesseur, sociologue et philosophe
Laurent BibardProfesseur de Management
