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Alors, on peut dire, on peut se demander
ce que on peut attendre de
l'action dans un milieu où il y a de l'incertitude?
Mais, je veux tout d'abord dire,
une des raisons pour lesquelles il y a de l'incertitude,
notamment dans nos sociétés qui sont en évolution historique,
disons pas seulement depuis la Renaissance, mais y compris déjà dans le
Moyen Âge, et puis même dans l'Antiquité, qu'est-ce qu'on peut dire?
C'est que qu'est-ce que c'est que des éléments nouveaux,
des éléments créatifs, ces éléments qui modifient,
en quelque sorte, l'évolution elle-même?
Par exemple, quand la boussole,
la boussole du reste qui a été inventée par les chinois.
Quand la boussole est arrivée en Europe occidentale, à l'époque où il y avait
ce réveil des nations, notamment l'Espagne, le Portugal, la France,
eh bien c'est grâce à la boussole que Christophe Colomb a pu aller
chercher l'Inde qu'il croyait trouver et, trouver en fait l'Amérique.
C'est-à-dire que on voit très bien que cet élément de création
historique a modifié tout le cours de l'histoire qui a suivi.
Et l'imprimerie elle-même, qui elle-même a été inventée
en Europe par Gutenberg mais qui existait déjà chez les chinois, et qui a fait que
une tendance déviante dans la religion catholique puisse se développer,
c'est-à-dire le protestantisme, parce que comme c'était la bible,
elle était imprimée, les protestants ont dit le fidèle doit se
reporter à la bible et non pas obéir à l'église.
Donc, vous avez toujours, une évolution qui fonctionne toujours
par une déviance qui si cette déviance s'inscrit dans un système,
réussit à transformer le système dans lequel elle est née.
Voilà dans lequel nous sommes amenés à penser et à concevoir l'action.
Alors, qu'est-ce que c'est que j'appelle écologie
de l'action?
L'écologie de l'action c'est,
on peut dire que, quand vous prenez la décision d'effectuer une action donnée,
l'action que vous commencez à entreprendre
elle entre dans un milieu historique, dans un milieu naturel,
dans un milieu social donné, et elle va rencontrer des obstacles,
elle va rencontrer des rétroactions elle va rencontrer toute une série de
mouvements multiples qui risque de la détourner du chemin qu'elle doit prendre,
et qui risque même de la retourner sur la tête de celui qui l'a décidé.
Rappelez-vous que Napoléon III à déclaré
la guerre à la Prusse en 1870
avec la certitude qu'il allait écraser cette petite puissance
qui encore n'était pas encore l'Allemagne unie,
et au contraire on a vu la France envahie par l'armée prussienne
et on a vu la France capituler et l'empire s'effondrer.
Combien de décisions politiques se tournent au contraire?
Prenez Napoléon qui
a eu un stratège de génie mais qui a rencontré deux défaites importantes.
La première c'est en Égypte où il voulait aller pour couper la route des Indes,
qui était la route des anglais, et son expédition d'Egypte à échoué ; la
deuxième c'est en Russie, où il a été en Russie,
il a même été à Mouscou et puis finalement il a été vaincu par l'hiver russe.
Or, Hitler, il a connu les mêmes deux défaites.
C'est-à-dire que il a voulu aller en Égypte pour
trouver la route des Indes et il a été barré par une armée anglaise et il
est allé en Union Soviétique, pour conquérir tout cet espace de l'Est,
et il a subi un désastre encore plus gros que celui qu'a subi Napoléon.
Donc, l'écologie de l'action ça veut
dire que nous avons toujours
l'incertitude et nous devons naviguer dans cette incertitude.
Seulement nous avons, à mon avis nous devons avoir,
deux garde-fous de garanties.
Le premier c'est de prendre conscience que toute décision,
dans un milieu incertain, est un pari.
Parce que vous pouvez prendre une décision dans un milieu homogène qui n'est pas un
pari ; vous pouvez dire je vais prendre le train pour aller en vacances à Trouville
normalement si il n'y a pas de grève des chemins de fer il n'y a pas de problème.
Bien entendu il y a un risque d'accident de chemin de fer, mais enfin.
Mais quand vous décidez dans un milieu incertain une action, comme une guerre,
comme une action importante, comme lancer une nouvelle marchandise sur le marché,
il est évident que vous devez être conscient que vous faites un pari.
Cette conscience va vous aider pour faire une stratégie.
Qu'est-ce que c'est que la stratégie?
C'est le contraire du programme.
Un programme il est fixé à l'avance, vous le suivez.
Dans un milieu homogène il n'y a pas de problème,
vous avez un programme de fabrication des voitures,
par exemple chez Renault ou chez Peugeot, vous avez la chaîne, vous avez tous les
éléments sont programmés parce que le milieu est homogène.
Ce qui va l'arrêter c'est qu'il y ait une grève,
c'est qu'il y a une panne d'électricité.
Mais quand vous êtes dans l'action véritable,
quand vous êtes dans le commerce, quand vous êtes dans l'économie vous avez à ce
moment-là un problème de faire une stratégie c'est-à-dire
la capacité de recueillir les informations que vous trouvez en cours de route,
d'utiliser les hasards que vous trouvez en cours de route,
ce que faisait excellemment Bonaparte devenu Napoléon,
c'était ça son génie de stratège, et ce moment-là vous pouvez
modifier votre action vous pouvez lui changer son orientation,
vous pouvez même s'il le faut l'arrêter.
Alors, donc, voilà, une des incertitudes de
l'action et des effets
à long terme d'une décision ou d'une action sont imprédictibles.
C'est quand Malraux a rencontré Chou En-lai qui
était le ministre des affaires étrangères de Mao Tsé-toung
dans la Chine communiste, Malraux lui a demandé : que pensez-vous
des conséquences de la révolution française de 1789?
Et Chou En-lai lui a répondu :
c'est encore un peu trop tôt pour répondre à cette question.
Et cette réponse était assez sage.
Pourquoi?
Parce que quand Chou En-lai a fait cette réponse,
il n'y avait pas encore eu cette implosion de l'Union Soviétique,
il n'y avait pas encore eu ce changement totale en Chine qu'a fait,
comment il s'appelle, qu'a fait,
le dirigeant chinois dont le nom m'échappe en ce moment, Alors, ça veut dire quoi?
Ça veut dire que effectivement en 1989-
90 les effets de la révolution française, c'est-à-dire le principe de liberté et
de démocratie s'est révélé beaucoup plus puissant que le principe de la révolution
soviétique ou chinoise qui était le parti communiste, va transformer la société.
Donc vous voyez que, à très long terme, les réactions on ne peut pas les prédire.
Voilà, donc, pour le moment.
Mais je veux continuer dans ce domaine, alors prochain module,
pour examiner le problème de la fin et des moyens,
et de l'incertitude que ça pose, le problème du réalisme et de l'utopie.