[MUSIQUE] Bonjour. Nous voici arrivés aujourd'hui au terme de notre enseignement du MOOC. Et pour cette sixième et ultime partage, j'ai choisi deux mots de vocabulaire qui appartiennent au vocabulaire de la santé que vous avez par ailleurs étudié cette semaine : le mot patient et le mot ordonnance. Alors, c'est dans le lexique religieux et plus précisément chrétien qu'il faut chercher les origines du mot patient en français, dont on date la première apparition au XIIe siècle, et qui, c'est important, était avant tout un adjectif. Celui-ci désignait une personne qui supporte patiemment les défauts d'autrui. Mais à partir du XIVe siècle, l'adjectif prend le sens de qui souffre en silence, et d'ailleurs, l'étymologie du mot nous indique ce sens clairement. Le terme patior en latin signifiait bien souffrir, endurer, et son participe présent, patiens, dont est issu notre adjectif en français, avait donc bien le sens de qui souffre, qui endure. Et vous connaissez un mot de la même famille, la passion. En effet, ce mot est construit lui aussi sur le participe, mais le participe passé du verbe, et renvoie bien étymologiquement à la notion de souffrance, pensez d'ailleurs à l'expression, la Passion du Christ. Revenons à l'adjectif patient. Cet adjectif va modifier son sens pour aujourd'hui équivaloir à qui manifeste de la patience, c'est-à-dire une forme d'endurance. Prenons cet exemple. Le professeur de biologie fait preuve de patience à l'égard de ses étudiants qui peinent à résoudre la problème. Alors, notez l'expression, faire preuve de patience. Elle a un sens temporel, il attend, il patiente, et là encore, notez le verbe associé, patienter. Mais en somme, il marque une bienveillance, un calme, une sérénité, une bénévolence presque à l'égard des étudiants. Mais l'adjectif patient change de catégorie grammaticale au XIVe siècle. D'adjectif, il devient un nom, un patient, une patiente. Alors, s'il est adjectif, le mot patient est adjoint à un nom, celui qu'il qualifie, on parlera d'une personne patiente, patiente est ici l'adjectif féminin. Notre professeur de biologie dans l'exemple précédent peut être qualifié de patient : il est patient. Et ici, l'adjectif est attribut. Mais par un processus qu'on appelle la grammaticalisation, c'est un processus linguistique, c'est-à-dire un changement de catégorie grammaticale, l'adjectif devient substantif, c'est-à-dire un nom. Et il se comporte comme tel et est donc doté par exemple d'un article : un patient, une patiente. Et dans ce cas, il renvoie directement à une personne qui souffre, c'est-à-dire, dans le domaine médical, à un malade. Un patient, c'est à partir du XIV siècle, en français, une personne qui souffre d'une maladie, qui doit être soignée. C'est son sens aujourd'hui. Faites donc bien attention en français moderne à distinguer l'adjectif qui a pris un sens bien spécifique et le nom commun qui désigne une personne, c'est autre chose. Le français a alors construit tout un paradigme morphologique, le verbe à partir de l'adjectif, et donc avec le sens de l'attente. Patienter signifie attendre, l'adverbe patiemment a pour sens tranquillement, sagement. Écoutez un instant cette improbable phrase, qui pourtant peut se comprendre aisément en français : chez le médecin, le patient patient patiente patiemment. Je vous l'accorde, c'est un exercice de style et il est peu probable que vous l'entendiez, mais la phrase n'en est pas moins française. Alors, passons, si vous le voulez bien, au deuxième mot de la semaine, le mot ordonnance. Lorsque notre patient sent qu'il a besoin d'aller chez le médecin. A la fin de la consultation, ce dernier peut lui délivrer une ordonnance, c'est-à-dire un papier signé contenant la liste des médicaments qu'il doit acheter pour se soigner. Mais ce sens n'est qu'un des sens du mot ordonnance, et je vous invite à présent à explorer rapidement avec moi le fonctionnement de ce drôle de petit mot. Alors, il provient du verbe ordonner, qui signifie donner un ordre. Jusque là aucun problème. Ce mot apparaît au Moyen Âge, au XIIIe siècle précisément en français, avec le sens logique et étymologique de volonté venant d'un supérieur, notamment dans le domaine religieux. Le mot passe dans les domaines juridiques et politiques dès le XIIIe siècle, on parle alors aujourd'hui d'une ordonnance de justice par exemple. L'ordonnance est donc une prescription, une liste, une liste ordonnée de choses, de choses à faire. Et dans le domaine financier et fiscal, une ordonnance est l'acte qui correspond à un ordre officiel de payer. Et le mot ordonnancier désigne la personne ou le service de l'État par exemple qui écrit cet acte. Mais plus simplement, l'ordonnance peut aussi désigner une disposition selon un ordre, l'ordonnance des choses, l'ordonnance d'une cérémonie, etc. Il y a bien la notion d'ordre ici. Alors, on voit désormais assez bien comment on passe de ces domaines variés, juridiques, politiques à celui de la médecine, surtout à partir du XVIe siècle où l'ordonnance devient simplement le papier sur lequel le médecin va lister les médicaments à prendre. Il y a donc dans le mot ordonnance deux sèmes, c'est-à-dire grosso modo deux sens à retenir, celui de la liste inscrite sur un document et celui de l'ordre. Et c'est muni de cette ordonnance que le patient se dirige ensuite vers la pharmacie pour acheter les médicaments dont il a besoin pour guérir. Au revoir! [AUDIO_VIDE]